Une
héroïne française de la Grande Guerre : Louise de BETTIGNIES (1880-1918)
«
Et entre vous, archers, compagnons d’armes, nobles et autres… allez-vous en en
votre pays de par Dieu, … et si ainsi ne le faites, attendez les nouvelles de
la Pucelle qui vous ira voir bientôt à votre grand dommage »,
interpelait ainsi Jeanne d’Arc le 22 mars 1429 les occupants de la France, lors
de la guerre de Cent Ans.
Or les 3 et 4 août 1914, l’Allemagne
déclarait la guerre à la France et à l’Angleterre, cette fois alliées contre
les envahisseurs de la France et des pays flamands. Ce fut une autre jeune
femme qui se dressa bientôt contre l’ennemi, Louise de BETTIGNIES.
Elle était née à Saint-Amand-les- eaux
d’Henri et Julienne de Porcheville, le 15 juillet 1880, d’une famille de
vieille noblesse du Hainaut, devenu français au XIXe siècle.
Dès l’occupation du Nord de la France et de
la Belgique, elle s’engagea comme infirmière pour soigner les blessés français
lors des premiers combats. Le 2e Bureau français remarqua le succès
avec lequel elle transmettait le courrier en pays encore libre, alors que les
Allemands occupaient déjà Péronne. Le fait qu’elle parlait à la perfection
l’anglais et l’allemand décidèrent les services secrets de l’employer ;
elle choisit pour des raisons pratiques l’Intelligence Service. On l’envoya en
Angleterre pour apprendre son métier d’espionne (utilisation des codes, encres
sympathiques, cartographie, identification des unités ennemies, ciblage des
dépôts de munitions, canons…).
Revenue à Lille, on lui laisse l’entière
liberté d’organiser son réseau, qu’elle appellera « Alice Dubois »,
Ramble pour les Anglais, formant elle-même ses agents et les implantant en des
lieux stratégiques, circuits ferroviaires : Tourcoing, Lille, Roubaix, des
informateurs dans chaque village, des boîtes aux lettres dans les villes. Elle
exige une conduite exemplaire, refusant celles qui confondaient champs de
bataille et chants d’amour.
Louise teste l’efficacité de ses informations
par les résultats obtenus, tels les bombardements des cibles signalées, des
dépôts de munitions, mise hors d’état de nuire de l’artillerie ennemie… Sa
soeur Hélène dira que son QG était comme une toile d’araignée au-dessus des
Flandres.
« On
peut avoir peur, disait-elle, quand le danger est passé, avant c’est défendu.
Elle
considérait qu’un agent secret cherche à découvrir sur son territoire un ennemi
qui veut s’emparer de sa patrie ; ce n’est pas un métier, c’est une
mission auréolée de gloire obscure. »
L’ennemi en colère resserra les contrôles et
les fouilles à corps. Le 20 octobre 1915, à l’estaminet du Dragon d’Or à
FROYENNES, elle fut surprise à avaler un pli secret ; arrêtée et fouillée,
on trouve sur elle trois adresses. Mais Louise avait bien cloisonné son réseau,
ce qui fit que les enquêtes et perquisitions ne donnèrent rien. Mise en
présence de son adjointe, Léonie VANHOUTTE, on ne put les qualifier que de
comparses sans déterminer le véritable chef de réseau, malgré tous les pièges
et moyens employés par les Allemands, telle la présence d’une taupe dans sa
cellule.
Elle fut condamnée à mort le 19 mars 1916. Le
gouverneur VON BISSING commue sa peine en détention en vie et déportation le 23 avril à SITBURG, près de
Cologne.
Frondeuse jusqu’au bout, elle exigea la
séparation des prisonnières politiques avec celles de droit commun et les
incita à ne pas travailler pour les ennemis. Cela lui attira un traitement de
rigueur, la mise au cachot dont elle sortit avec un choc nerveux. On dut
l’opérer, quelque temps après, d’une tumeur apparue entre deux
côtes, résultat d’un coup de crosse lors de son arrestation. La plaie faite
avec des instruments non stérilisés ne se guérissant pas, elle fut soignée au
Marien-Hospital. Elle dit au prêtre qui l’assistait : « Je sais que
c’est la fin ». On lui tendit un grand crucifix où elle posa ses lèvres
avec amour, comme Jeanne au bûcher. Elle avait tout donné. Elle mourut le 27
septembre 1918.
Selon un major anglais, « elle était du
type trop rare de nos jours, que la vie appartient au devoir et non au
bonheur ».
On ne put prendre son cercueil que le 20 juin
1920. Ce furent les soldats français casqués et les casquettes du 15ème
Régiment du Middlesex qui honorèrent leur sœur d’armes pour avoir travaillé
comme Jeanne la Lorraine à bouter l’ennemi hors de France.
Sources :
Louise de Bettignies, Hélène
d’Argoeuvres
Louise de Bettignies, espionne et
héroïne de la Grande Guerre, Chantal ANTIER
Roger MARTINET